Physionomie Miyane passa une main douce sur la chatoyante peinture qui représentait son fils, Sena. Les paupières baissées alors qu'elle retrouvait du bout des doigts la familière silhouette d'un adolescent malingre, elle esquissa un pauvre sourire. A la qualité du papier et du trait, on voyait que l'artiste était un professionnel. Elle le sentait à la texture du grain de la page et à la finesse de cette belle aquarelle. Diana, sa vielle amie, n'aurait pas pu lui faire plus beau cadeau. Contemplative, elle admira le soin qui avait été apporté à chaque détail. Le peintre avait tout représenté du plus petit orteil, à la plus discrète des cicatrices, notamment celle que Sena avait au dessous de son oreille gauche. La poitrine gonflée de bonheur, elle eut pendant un instant l'impression de retrouver son enfant, d'entendre sa voix chantante et de sentir la chaleur de ses doigts de pianiste dans son dos. Son imagination alla jusqu'à recréer l'odeur d'algues et de sel qui se dégageait de sa peau quand il revenait de ses escapades maritimes. Une larme coula et elle l'essuya avec désinvolture.
Il n'avait pas tellement changé en cinq ans. : Certes, il avait grandit, mais ses traits creusés restaient familiers, juste plus osseux. Il ne s'était malheureusement pas trop remplumé avec l'âge, la peau sur les os et le teint très pâle, presque blanc et légèrement brillant, comme s'il était fait de nacre plutôt que de chair. Il avait l'air plus sérieux que dans ses souvenirs et ses beaux iris abordaient un éclat plus sauvage que par le passé. Sa coupe n'avait malheureusement pas changé, c'était toujours un amas indéfini d'épis et de mèches folles, un vrai nid d'oiseau ! Elle reposa avec délicatesse le cadre sur la table basse et se cala dans le canapé pour continuer à observer son fils, ancré dans le papier.
Sur l'image, il avait pris une attitude posée, égal à lui-même et sans le vouloir presque taciturne. Sena avait toujours mis une distance entre lui et les autres. Les rares fois, où elle l'avait vu quitter ses airs réservés se comptaient sur les doigts d'une main. Et, pour cause, il était particulièrement difficile de s'accorder la confiance de son fils. Dans un soupir, elle songea que Sena avec sa maigreur et son visage d'ange lui ressemblait vraiment. De son nez droit, à ses lèvres fines, il était son portrait craché. En revanche, d'Hiroto, il n'avait presque rien hérité , si ce n'est l'endurance et cette musculature fine qui le rendait moins chétif que les apparences ne pouvaient le suggérer.
Hiroto Arisa était un homme obsédé et vindicatif. Il voulait une descendance puissante de laquelle il pourrait toujours tirer fierté. Rien ne le ragaillardissait plus que d'entendre les autres vanter la force, le courage ou la beauté de son fils et ça au début, elle avait trouvé que c'était formidable. Elle avait pensé son amour de père intarissable. Mais, désormais, elle s'en voulait énormément et savait pertinemment que tout cela était bien faux. Comment-pourrait-elle pensé l'amour de cet homme vrai, quand il l'avait arraché à son fils à la première occasion, criblant sa tête de ses mensonges, lui racontant sans honte que sa mère l'avait abandonné quand il s'était en vérité chargé de l'exiler à l'autre bout de la terre. Et, elle ne pouvait rien dire et rien faire. Elle était incapable de protester, parce qu'elle n'était qu'une sotte qui avait trop peur de mourir et pas d'argent pour se payer ses propres soins. Alors, elle avait été chassé, jeté, abandonné à la déchetterie tel un meuble usé, un jouet dont le propriétaire s'est lassé.
Parfois, elle regrettait sincèrement s'être révoltée. Elle n'avait jamais compris l’obsession d'Hiroto à vouloir faire de Sena un soldat, quant à l'évidence, il n'était pas taillé pour le métier : trop gentil et surtout trop sensible. Oh, il se débrouillait très bien en combat à mains nues et présentait des aptitudes sportives excellentes certes, mais il ne serait toutefois jamais assez endurant pour faire la guerre, ça c'était sûr. Si elle avait gardé cette pensée pour elle et que les disputes ne s'étaient pas enchaînées, peut-être qu'il l'aurait autorisé à fréquenter son enfant.
Le cœur lourd, Miyane se mit à observer le ciel et les nuages. Elle s'imagina devenir un cumulus et volé jusqu'au Japon où son fils était entrain d'étudier, condamné à subir les entraînements draconiens de son paternel et privé de sa mère. Pensait-il à elle de temps-en temps ? Elle espérait que oui, qu'il n'était pas totalement dupe de tous les mensonges et qu'un jour, il chercherait à la retrouver. Elle avait déjà écrit tant de cartes pour tout expliquer, mais elle craignait de les envoyer. Elle n'était rien après tout et il serait très facile pour Hiroto de la faire remettre sous les verrous. Si seulement, elle avait pu faire autrement, elle aurait pu serrer dans ses bras son rouquin de rejeton, touché ses joues et se perdre mille-fois dans ses yeux vairons. Mais elle ne pouvait pas et c'était bien là, le drame de sa vie. |
Psychologie Dimitrij observe Sena depuis une bonne heure. Comme à son habitude, le jeune homme tarde à sortir sur le terrain, trop occupé à se masser le menton à la recherche de poils inexistant. Sena a un véritable complexe, parce qu'il se trouve trop féminin, le torse tellement imberbe qu'il en ferait pâlir de jalousie des mannequins. Malheureusement dans l'équipe, c'est plutôt source de taquineries et comme en plus le rouquin est d'une grande susceptibilité, forcément, tout le monde s'en donne à cœur joie ! Dimitrij, le premier prend son pied à faire rager le beau Sena, toujours sûr de lui et totalement coléreux. Il est mignon à sortir de ses gonds pour un rien, à se renfrogner et à réagir dés que quelqu'un lui fait une petite remarque. Parfois, c'est chiant cela dit, parce qu'il est d'une mauvaise foi ignoble et buté comme un âne. Cependant, dans l'équipe on l'apprécie vraiment. C'est Sena,l'adorable petit crâneur grincheux qu'on aime bien faire grincer des dents, mais qu'on adore pour son côté franc et maladroit, sa réserve certaine et sa timidité typique du parfait tsundere.
Dimitrij sait que Sena supporte beaucoup, qu'il a les attentes de son père à remplir et l'absence de sa mère qui lui ronge le cœur. Si seulement ce dernier acceptait d'en parler un peu, il est persuadé qu'il pourrait l'aider ! Mais Sena est plus fier qu'un paon....Il n'ira jamais se plaindre. C'est bien simple, depuis dix ans qu'ils se fréquentent Sena n'a jamais pleuré une seule fois devant lui, ne s'est jamais confié et ne s'est jamais plaint non plus. Bon, ok, il passe son temps à râler, mais réclamer une oreille pour parler de ses soucis il ne l'a jamais fait. A croire qu'il se fout de tout, alors qu'en vérité il est très sérieux. Il se fait un devoir d'être bon à l'école comme en sport, d'être l'un des meilleurs de l'équipe de Basket. Dimitrij trouve d'ailleurs que ça tourne parfois à l'obsession. Tout ce que fait Sena c'est avec pression, à tel point, qu'il se demande comment il fait pour ne pas craquer. Faut croire qu'il a vraiment des nerfs d'acier. Dans un soupir, Dimitrij vient claquer Sena dans le dos, qui lui adresse en retour, un regard noir. Son sourcil gauche tressaille d'agacement alors qu'il lâche son reflet des yeux, boudeur. Déjà qu'il est assez petit en taille (un mètre soixante-dix à tout casser) et pas très musclé, Sena supporte vraiment mal l'idée de ne pas avoir de moustache, même pas une toison, rien. Il est comme un gosse et ça le frustre tellement, surtout que d'ici deux ans, il doit gagner l'école militaire. Dimitrij reste silencieux pour ne pas le vexer, même si cet énième caprice le rend hilare comme à l'habitude. Sena est vraiment un gamin complexé.
|