Shei est née avec juste une mère. Elle n'a jamais rien su de son père. Sa mère ne voulait rien dire. Elle ne lui a jamais rien dit. Après tout, elle n'était qu'une enfant, comment pourrait-elle savoir ô combien sa pauvre mère souffrait de l'abscence de ce père inconnu ? L'accord de paix avait déjà eu lieu entre les plusieurs clans quand Shei naquit. En même temps, sa mère n'était pas vieille non plus. Lorsque les humains avaient beaucoup moins de vie qu'à l'époque actuelle, les parents faisaient toujours des enfants vers la quarantaine. La grand mère de Shei avait demandé à sa fille de continuer cette façon de faire et évidemment elle l'avait écouté.
La mère n'avait jamais fait paraître une seule de ses émotions sur son visage. Elle était d'une froideur extrème. Qui l'approchait était aussitôt écrasé par sa puissance froide et pragmatique qui vous juge en silence, essayant de savoir les moindres tréfonds de votre âme. Vivre avec une personne aussi dure et froide n'était pas facile. Dès son plus jeune âge, Shei pensait qu'avoir des bonnes notes feraient le bonheur de sa mère. Peut être même qu'elle lui ferrait un sourire, même s'il n'est qu'une esquisse, même s'il n'est qu'une micro-expression volage. Jamais cela ne s'était produit, et si par malheur la fille n'avait pas d'excellentes notes, sa mère lui donnait un bon coup qui partait sans que l'enfant ne puisse le prévoir. Se tenir droite, être calme, posée, être une fille comme sa mère voulait qu'elle soit. Très vite un tel traîtement peut vous faire défaillir, surtout à l'âge de l'adolescence.
A ses onze ans, la petite fille commençait à s'intéresser aux relations entre les humains, mais aussi entre les différents clans et les différentes races. Peut être était-ce pour combler le manque d'émotions de sa mère qu'elle se tournait vers celles des autres ? Même elle ne savait pas ce qu'il se cachait au fond de sa petite tête. Elle dressait des profils, faisait des dessins, écrivait des dialogues... Cela passa progressivement devant les études et ses notes se dégradèrent. L'enfant se retrouva privée d'un bon nombre de ses carnets, de ses crayons, et à la place elle ne pouvait que travailler, toujours travailler.
Trois ans plus tard, la jeune fille eut l'âge de rentrer à l'académie que sa mère voulait qu'elle intègre. Elle put y rentrer, ses notes étaient excellentes, son esprit était rapide et tirait les bonnes conclusions. Shei obéissait. Après tout, que pouvait-elle contre ça ? Pas grand chose, et ça, elle le savait. Mais peut être pas assez, puisqu'un jour, elle essaya de se dresser devant sa mère. Elle essaya de lui montrer qu'elle était un vrai être vivant qui respirait, qui avait ses propres émotions, qui pouvait vivre comme il le souhaitait. La femme n'était pas bien le jour même, et elle se saisit d'un couteau. Réaction extrême, puisqu'elle camouflait ses émotions derrière un masque de glace, et qu'il fallait bien que tout explose un jour. La jeune fille ne sortit pas idemne de cette altercation puisque le couteau vint se nicher entre son nombril et sa cuisse droite. Elle perdit beaucoup de sang et dut rester un long moment à l'hôpital.
Shei fut placée dans une famille d'accueil. Les autorités n'allaient pas la laisser avec celle qui avait tentée de la tuer. Les deux nouveaux " parents" de Shei étaient des gens formidables. Le père était un exorciste, et Shei était absolument fascinée par chaque chose qu'il faisait. Elle notait chacun de ses gestes dans un carnet, chaque personne qu'il voyait... Il était devenu un idole, un modèle, quelque chose d'absolument passionnant. Il le lui rendait bien, il s'était pris d'une véritable affection pour l'adolescente et lui racontait maintes histoires que son grand père lui avait également raconté à propos de la collision, et des histoires du passé.
De nombreuses années passèrent, plutôt heureuses. Shei n'eut pas de nouvelles de sa mère, et ça la ravissait. D'autant plus qu'il était sûr que sa mère avait du la renier, mais elle s'en fichait: elle ne voulait pas non plus l'avoir comme mère. Au lycée, Shei savait se faire aimer. Elle tentait d'être au coeur de ses recherches, en socialisant avec beaucoup de gens et évidemment en sortant avec beaucoup de garçons. Tout ça pour se rendre compte qu'elle préférait observer les autres plutôt que de regarder les autres autour d'elle. La passion de Shei la suivit à Shirabuki pendant un moment. Juste son enfance fut difficile, au final. Le reste de sa vie fut pleins de moments joyeux. Oui, Shei était une fille vivante.