Cela faisait bien deux semaines que cette histoire où j'avais perdu le contrôle était terminé, et aussi deux semaines que je ne parlais plus à Lyna ; mais ce n'était que le début de longues années, je finirais pas m'y faire. Ce jour de révélation a eu une "drôle" de répercussion sur moi. J'étais en même temps très introverti, comme lorsque j'étais jeune, mais dès que je parle, je dis ce que je pense, et sans mâcher mes mots, ce qui me rend passablement désagréable - enfin, je ne suis comme ça qu'avec les gens que je n'apprécie pas. Mais même avec les personnes que j'aime, j'ai tendance à être moins tendre avec eux, mes sourires disparaissent, mon souci de leur bien-être également, je deviens indifférent de tout et je me déteste encore plus pour ça. La répercussion ne s'arrête pas là, car après en avoir parler avec ma mère qui en a elle-même parlée avec mon oncle, je m'appelle officiellement "Hesediel" à présent - Olwen finira par se faire oublier. Aussi, physiquement, j'ai changé ; j'ai décidé de laisser tomber mes lentilles et de montrer mes yeux noirs comme la nuit à la vue de tout le monde, et ma coiffure fut légèrement changée aussi. Mon style vestimentaire et devenu beaucoup plus décontracté, d'ailleurs - par exemple, j'ai remplacé mes longs manteaux par des gros pulls et mes pantalons bien droits par des jeans, mais tout reste en noir.

Je soupirais, un nuage blanc sortant de ma bouche ; il faisait un peu froid, cette après-midi. Je déambulais sur la place du marché parmi les étales des marchands sans conviction. Je ne savais pas trop pourquoi j'étais sorti, j'avais juste envie de faire quelque chose de mes jambes, ne pas rester rien à faire - et échapper à ma mère par la même occasion. Les mains dans les poches je triturais sans vraiment m'en rendent compte mes poings américains tendit que je passais devant un étale de poissons avec leurs marchands qui essayaient d'attirer les clients en... "parlant fort". Je détournais le regard en accentuant ma cadence, l'odeur de nourriture me torturant les entrailles - je ne mangeais plus grand-chose en ce moment à vrai dire, à part ma dose de sang quotidienne.

Un joli stand d'un forgeron accapara mon attention et je m'en approchais discrètement parmi les autres intéressés. Je regardais les articles, apprécient  le travaille et la finesse avec laquelle avait été faite ces armes, notamment des poings américains et des dagues, car c'était celles que je voyais le plus souvent - ma mère utilisait ces dernières. Me revint en souvenir une conversation entre ma mère et ma tante où elles parlaient de leurs armes, et ma mère disait qu'elle avait cassé sa dernière dague contre un Yasei récemment. Pour me faire pardonner, je décidais de lui en acheter une - celle avec des petits rubis sur le manche comme le rouge de ses yeux.

- Cette dague te fait de l'effet à ce que je vois, mon garçon !

Je relevais les yeux sur le forgeron car s'étais lui qui venait de parler. Il avait une imposante carrure, des bras gros comme un tronc d'arbre, il était haut comme un frigo, la peau sombre comme s'il avait trop passé de temps au-dessus du feu de sa forge et le visage souriant, son sourire étincelant prenant la moitié de son visage et il avait la voix bourrue et chaleureuse.

Un microscopique sourire orna mes lèvres tendit que je répondais, une pincée d'amusement dans la voix :

- En effet, et je te l’achèterais bien.

Le forgeron réussit à encore agrandir son sourire.

- Tu as l’œil, gamin, c'est l'une de mes meilleures ! Cela te fera 80€ !

Le prix ne me fit pas peur, car on pouvait le dire, les Hesediel étaient loin d'avoir des problèmes d'argent. Je plongeais la main dans ma poche pour en sortir mon porte-monnaie sauf que ce fut mes poings américains que je sortis. J'allais les remettre dans ma poche, un peu agacé lorsque la voix nettement moins bruyante du forgeron m'interpella :

- Eh !, s'exclama-t-il, accoudé à son étale pour être un peu plus à mon niveau. Tu sais t'en servir, gamin ?

Trouvant la question idiote, je lui répondis un peu sèchement :

- Bien sûr ! A quoi ça servirait que je me trimbale avec ça sinon ?

Le basané ne se formalisa pas de mon ton car il sourit en grand.

- Ca t'intéresse les "Fight Club" ? J'en ai justement un, et il me manquerait juste un participant... (Prenant mon manque de réaction pour de l'indifférence, il continua prestement) Enfin, je dis ça comme ça, ça doit pas t'intéresser...

- Qu'est-ce que j'y gagne ?, le coupais-je.

Il me regarda un peu surpris. Je ne me comprenais pas moi-même, à vrai dire, je n'étais pas du tout du genre à aller dans ce genre d'endroit, alors pourquoi lorsqu'il en avait parlé, j'avais senti tout mon être se réveiller ?

- T'y gagnes une arme, ou l'amélioration d'une arme, gratuitement, me répondit finalement le forgeron, en riant calmement.

Je réfléchis quelques instants, en fixant mes poings américains en bronze, que je n'utilisais pratiquement pas car je ne voulais pas en acheter tout le temps. Une arme en argent, ça tiens tout de suite une semaine... Mais au fond de moi, je me mentais, et je le savais, car ce que je voulais, c'était tout simplement laisser mes coups partir sans avoir à me justifier.

- Ca m'intéresse.


Les heures étaient passées, nous étions maintenant le soir, vers 20h et il faisait nuit noire. Je déambulais de nouveau, mais cette fois dans les rues vides du monde en prenant le chemin que m'avait indiqué le forgeron du nom de Théor de cette après-midi. Je me demandais encore pourquoi je faisais cela, mais je ne rebroussais pas pour autant chemin, les mains dans les poches de mon pantalon noir confortable, pour me permettre de faire tous les mouvements que je voudrais.

Je m'arrêtais devant une grande battisse sombre et je frappais trois fois à la porte comme me l'avait dit Théor. La porte s'ouvrit sur celui-ci, tout sourire et il me fit entrer, en refermant la porte derrière moi.

- Bienvenue, gamin !

Avant que mon adversaire arrive et que je remarque ces marques sur les murs, j'avais enlevé mes chaussures ainsi que mon sweat, n'étant qu'en t-shirt, en pantalon, pieds nus pour être libre de tous mouvements.

- Pas de magie, juste de la force brute. Où est le problème ?

Un sourire quasiment sardonique ornait mes lèvres à cette pensée, et je ne l'empêchais pas de s'y inscrire. Je sentais encore une fois la même sensation que cette après-midi ; mon corps se réveillait. Mon sang pulsait à mes tympans, l’adrénaline montait dans mes veines, mes sens s'affûtaient et la seule pensée que je percevais dans ma tête, susurré par mon instinct était "frappe, frappe. Frappe où ça fait mal. Frappe de toutes tes forces". Et je ne pouvais pas le contredire, surtout que je ne voulais pas le faire. Pour une fois, je ne me battrai pas contre mon instinct, je ne ferais qu'un avec lui - avec moi. Je sentis comme un manteau de chaleur m'envelopper, et je pressai prestement mes doigts contre mes lèvres, étouffant un rire qui m'était venu d'un seul coup. Ce n'était pas le moment de rigoler, enfin. Mais bien sûr que si.

Je crois que mes yeux pétillaient de joie et qu'un grand sourire s’étirait sur mes lèvres. Et je crois que c'est ça qui a donné envie à mon adversaire d'attaquer la première, avec force et vitesse, elle s'apprêtait à me donner un coup de jambe, les dents serrées de rage, et je m'excusais de l'avoir énervée comme ça. Mais je ne ferrais pas exprès de me prendre ce coup mal calculé. Je fis un pas de côté et tel un serpent mon bras s'entoura autour de sa jambe, à présent bloquée contre mon flan et je devais vite agir avant qu'elle ne me frappe à présent avec ses poings ou avec son autre jambe. Balance-la contre le grillage et va lui perforer une côte. Je fauchai sa jambe d'appui avec l'une des miennes, ce qui lui fit perdre l'équilibre, la portant toujours par sa jambe, je fis un tour sur moi-même et la jeta fortement contre le grillage contre lequel elle resta bloquée quelques instants et je ne lui laissai pas le temps de se remettre d'aplomb que je fonçais sur elle d'une poussée forte des jambes, me trouvant devant elle en moins d'une seconde et c'est d'un puissant coup de poing que je visais l'une de ses côtes, je sentis mon coup s'enfoncer dans sa chair et son os ne m'opposa pas beaucoup de résistance car j'entendis un distinct "crac", prouvant que la côte ne s'était pas fêlée mais cassée. Elle cracha une gerbe de sang et s'affala par terre, suffocante.

- Oops. Pas grave. Je ne le pensais pas, en réalité.

A vrai dire, je ne m'attendais pas à ce qu'elle n'arrive plus à se relever. J'avais sans doute mis trop de force dans mes coups sans même m'en rendre compte. Pas très adulte tout ça... M'enfin, pas grave. Je suis emmené sur un banc d'où je regarde les combats s'enchaîner, et je ne les regardes qu'à moitié jusqu'au moment où un homme vient me chercher pour mon prochain combat. Je m'étais refroidi à rester à ne rien faire à ma place, et sur le chemin menant jusqu'à l'arène je réchauffe mes muscles le plus que je peux, m'étirant dans diverses poses puis atterrit finalement sur le tapi de l'arène, en face d'un véritable géant. Déjà que je n'étais pas vraiment minuscule, voilà quelqu'un qui arrivait à me paraître insignifiant à son côté. Mon adversaire gonfle les muscles, commence à se pavaner face à la foule, étant sûr de sa victoire. En voyant son comportement, je comprends vite qu'il est un habitué de ce genre de combat, et qu'il n'a sans doute jamais perdu.

- Eh bien... Il y a une première fois à tout, pensais-je en souriant. 

Je me mets en position de combat à l'autre bout de l'arène, le grillage juste dans mon dos, tendit que le géant se contente de rire grassement, et l'arbitre lance le départ. Je ne bouge pas, alors que mon adversaire profane qu'il va me finir en un coup et fonce sur moi tel un taureau. Je l'évite d'un bond et il part s'écraser sur la grille alors que je m'exclame en souriant "taauureau" et la foule éclate malgré elle de rire. Ceci fait rugir de rage le géant, qui continue de me charger, encore et encore, et je l'évite toujours et toujours. Il a beau réussir à fissurer le sol de l'arène avec ses coups de poing, à réussir à plier le grillage lorsqu'il s'écrase dessus, il est beaucoup trop lent pour moi. Je vois ses coups venir à 3 mètres, me laissant le temps de l'éviter et à placer quelques coups sur lui, mais pas avec assez de force pour réussir à le faire tomber. J'évite une énième charge, et cette fois le taureau doit commencer à se fatiguer, car il prend plus de temps pour se relever. Je saisis ma chance. Alors qu'il vient tout juste de se mettre debout et de se tourner vers moi, je cours déjà vers lui et prends appui sur sa cuisse qui a bien la largeur d'un gros chêne, me donnant un bon support pour sauter et lui décocher un puissant coup de pied rotatif dans le visage qui lui fracture la mâchoire au son bruyant qu'elle émet au contact de mon pied. Une gerbe de sang avec une dent sort de sa bouche alors qu'il s'écrase par terre. J'atterris à mon tour, à quelques pas de lui, et je reste concentré, attendant le commentaire de l'arbitre décidant si le combat était fini ou non.